Témoin privilégié du dialogue entre la philosophie grecque et le christianisme, Justin est certainement le plus important des apologistes du IIe siècle.
Force est de reconnaître la sincérité, la générosité de la démarche intellectuelle et spirituelle de Justin, qui fut le premier philosophe à professer publiquement la foi chrétienne dans un contexte où s’affrontait les intelligentsias païenne et chrétienne de l’Empire romain. Justin nous a laissé un témoignage unique sur les conditions dans lesquelles s’effectuait le dialogue entre la pensée chrétienne, entée sur la tradition juive, et la philosophie gréco-romaine, héritière de Platon, d’Aristote et du Portique.
Une conversion radicale
Issu d’une famille païenne, vraisemblablement des colons d’origine grecque et latine, Justin choisit de se consacrer tout entier à la philosophie car, pour lui, « la philosophie est le plus grand des biens et le plus précieux devant Dieu, [qu’] elle seule nous conduit à lui et nous unit à lui ». Epris de sagesse et de vérité, il ne réussit pourtant pas à trouver auprès des maîtres philosophes la réponse satisfaisante à ses aspirations profondes.
Dans son célèbre Dialogue avec Tryphon, Justin évoque sa conversion au christianisme et les limites de toutes les philosophies humaines ainsi que les déficiences de certaines thèses platoniciennes, et met en lumière la vérité annoncée par les prophètes.
Ainsi, le christianisme lui apparut non seulement comme la révélation suprême de Dieu, faite aux hommes en Jésus-Christ, mais comme l’école par excellence de la moralité. Il ne cache pas que l’exemple d’une vie vraiment digne de Dieu donné par les chrétiens et celui de leur courage devant les épreuves, les persécutions et la mort, fut déterminant dans la maturation de sa conversion.
Le terme logos désigne pour lui un idéal de raison fait de justice, de vérité, de sagesse et de vertu, qui constitue le but suprême de la philosophie.
Ainsi, pour Justin, la raison humaine s’épanouit véritablement lorsqu’elle est illuminée par le logos divin.
Sa doctrine révélée dans l’Apologie
Plus que tout autre apologiste de son temps, Justin professe que le Christ nous sauve par sa mort en croix et sa résurrection. C’est par son sang qu’il purifie les croyants. A cause de nos péchés, il a accepté le mépris et la souffrance. Il a voulu prendre part à nos misères afin de nous en guérir. Il a été offert en sacrifice et a obtenu pour tous les hommes le pardon de leurs péchés : ils sont sauvés, lavés, régénérés, rachetés et guéris par le sang du Sauveur.
Victorieux des forces du mal, de la mort et des démons, le Christ règne désormais sur le monde « et, à cause de ce qui a été proclamé en son nom par les apôtres parmi toutes les nations, se réjouissent ceux qui attendent la vie incorruptible qu’il a annoncée ».
Un témoin droit et enthousiaste jusqu’au martyre
Dans son Apologie, Justin s’adresse directement à l’empereur pour lui donner les raisons probantes de la supériorité de la doctrine chrétienne sur tous les autres cultes. A la suite de Socrate, il dénonce sévèrement le polythéisme, les cultes idolâtriques, les rites sacrificiels, et la mythologie qui sert de support culturel au paganisme gréco-romain. Il conclut : « Pour nous, nous avons appris que seuls parviennent à l’immortalité bienheureuse ceux qui vivent auprès de Dieu d’une vie sainte et vertueuse. »
Au regard de la loi et de la jurisprudence romaines de l’époque, les chrétiens, incontestablement, sont des « athées », considérés comme les ennemis de la religion des Romains et des peuples rattachés à l’Empire. Justin tentera d’être persuasif en invoquant la raison car, dans la philosophie antique, la coutume doit se soumettre à la raison (logos). Mais à cette époque, la philosophie est devenue une puissance politique ; rhéteurs et philosophes se partagent les faveurs du prince Marc-Aurèle et dénient toute valeur à la doctrine chrétienne.