Le 3 juin 2016, la mémoire de sainte Marie-Madeleine, célébrée le 22 juillet, a été élevée au rang de fête comme celle des apôtres. Dans le contexte du Jubilé de la miséricorde, cette décision du pape François marquait l’importance de celle qui a tellement aimé le Christ et fut par lui tellement aimée. Tout en rejoignant la réflexion de l’Eglise sur la dignité de la femme et sur la nouvelle évangélisation.
Une figure aux multiples visages
Dans les évangiles comme dans les imaginations, elle a fait un parcours étonnant et demeure une énigme. « Marie, dite de Magdala, dont étaient sortis sept démons » (Lc 8,2) est-elle également la pécheresse anonyme en pleurs qui répandit du parfum sur les pieds de Jésus, les essuyant de ses longs cheveux ? (cf. Lc 7,37-38) Ou Marie, sœur de Marthe et Lazare qui fit de même (cf. Jn 11, 1-2) ? La tradition, après Grégoire le Grand, les confondit en une même personne, pécheresse pénitente et mystique exemplaire, dont peintres et poètes se sont emparés. Dans une iconographie souvent chargée d’érotisme, son attribut principal, une longue chevelure ondulée, la recouvre parfois entièrement.
Un modèle pour tout chrétien
Ce qui est certain, c’est qu’elle a fait partie du groupe de femmes qui suivaient Jésus, et ce jusqu’au pied de la Croix ; elle fut encore de celles qui coururent dès l’aube au tombeau. François de Sales disait d’elle :
« Cette sainte fut admirable en ceci que, de l’instant de sa conversion jusqu’à la mort, elle ne quitta point les pieds de son bon Maître ».
Accueillant la grâce de la libération du péché, elle a manifesté de façon éclatante à la fois la confiance et la fidélité au Christ. « Etre saint c’est ne pas oublier, c’est savoir que Dieu nous a tenu la main. Marie-Madeleine n’a jamais oublié, elle était là à la Résurrection », rappelle Mgr Macaire, archevêque de St Pierre et Fort-de-France.
Témoin de la Résurrection et de la Miséricorde
Dans le jardin où se trouvait le sépulcre, elle a été le premier témoin du Christ ressuscité. C’est ainsi qu’à travers elle est manifestée à nouveau la puissance de la miséricorde. L’Évangile nous dit qu’elle pleurait parce qu’elle ne trouvait pas le corps du Seigneur (cf. Jn 20,11-13). À cette démonstration d’amour et de souffrance, le Christ répond en se faisant reconnaître, transformant ses larmes en joie pascale. Il l’envoie ensuite en mission auprès des disciples, faisant d’elle l’apôtre des Apôtres à porter la bonne nouvelle, le signe de Pâques.
Le cardinal Sarah souligne sa double attitude, l’adoration et la mission :
« C’est l’amour qui caractérise la vie de la sainte, un amour passionné, [car] l’unique programme pour l’Église est de chercher le Christ pour l’aimer et le donner aux autres. »
Pour Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, « elle connaît Jésus par cœur, par le cœur, un cœur purifié qui accueille ce que Dieu veut accomplir en lui ». La lettre apostolique de saint Jean-Paul II sur la dignité et la vocation de la femme – Mulieris dignitatem n°16 – notait que « cet événement est comme le couronnement de tout ce qui a été dit précédemment sur la transmission par le Christ de la vérité divine aux femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes. » Dans cet esprit, le calendrier romain souligne désormais l’exemplarité de Marie la Magdaléenne.
Une dévotion très française
Dès le Xe siècle, elle atteint en France une popularité sans égale en Occident. Le succès du pèlerinage au sanctuaire de Vézelay est tel que son abbé est alors une figure importante de la chrétienté.
Le culte se développe ensuite à la Sainte-Baume, qui revendique en 1279 la sépulture de la sainte. Aux XIVe et XVe siècles. c’est le lieu de pèlerinage le plus fréquenté après Rome et St-Jacques de Compostelle. Selon la Légende Dorée de Jacques de Voragine, Marie-Madeleine, expulsée de Palestine au milieu du 1er siècle avec d’autres chrétiens dans une « barque de pierre sans voile ni rame », aborda en Camargue aux Saintes-Maries- de-la-Mer, puis vécut en pénitente dans une grotte du massif de la Sainte-Baume en Provence