Comme prêtre, avec les autres aumôniers le Père Pierrick visite les détenus, et il prépare aux sacrements. Il va dans les cellules pour s’entretenir individuellement avec les détenus. L’auxiliaire bénévole d’aumônerie anime des groupes bibliques. Actuellement il y a cinq aumôniers ainsi que cinq auxiliaires bénévoles.
Il préside la messe une fois par mois à la prison, alternant ainsi avec des prêtres du diocèse de Paris qui célèbrent également. D’autres groupes d’aumônerie ou de paroisses sont chargés de l’animation de la messe.
Comment et pourquoi un prêtre devient-il aumônier de prison ?
Père Pierrick Lemaitre : Ce n’était pas prévu ! J’ai d’abord été curé de Marne-la-Vallée pendant onze ans et déjà résonnait en moi cette phrase d’Evangile : « J’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mt 25,36). J’ai reçu l’appel d’un prêtre de la Mission de France qui m’a conduit sur ce chemin. Je me suis alors formé et, de 2013 à 2019, j’ai été envoyé à Fleury- Mérogis. Ensuite l’évêque de la Mission de France et l’évêque de Créteil m’ont demandé d’être curé de la paroisse de Notre-Dame-de-l ’Espérance à Ivry où je suis toujours, en plus de ce ministère particulier pour le diocèse de Paris.
Quelle est la mission en pratique ?
Père Pierrick Lemaitre : C’est d’être envoyé auprès de tous les détenus, enfin ceux qui nous écrivent car ici tout passe par des demandes écrites, c’est assez formel. Il faut s’inscrire pour participer à la messe par exemple ! Nous sommes d’abord des écoutants. Par notre présence nous témoignons de la proximité du
Christ et de l’Église auprès de personnes isolées qui se croient souvent abandonnées par tous.
Ce sont des personnes avant d’être des détenus.
Quelles démarches les prisonniers doivent-ils faire pour s’adresser à l’aumônerie catholique ?
Père Pierrick Lemaitre : Ils doivent écrire pour solliciter une visite. Ensuite, en lien avec les surveillants pénitentiaires, nous avons les clés pour rentrer dans leur cellule ; mais attention, nous ne se sommes pas chez nous ! Je frappe toujours à la porte comme si je rentrais chez quelqu’un et je les vouvoie toujours. Assez vite l’échange s’engage, sur la famille par exemple. C’est toujours la personne détenue qui conduit la conversation, moi j’écoute et rebondis. Je ne veux pas savoir ce qui l’a amené ici, je suis là pour rencontrer la personne.
Comment, dans les échanges avec les personnes détenues, arrivez-vous à faire la part du psy et du spi ?
Père Pierrick Lemaitre : Nous ne sommes pas psy, même si nous avons une position d’écoute similaire. Les détenus font bien la différence. Je n’ai jamais autant distribué la parole de Dieu qu’en prison. On lit ensemble les Écritures et des psaumes qui résonnent en eux avec ce qu’ils vivent. On prie ensemble le Notre Père, je les accompagne dans leur recherche. À partir d’une image, ils peuvent être amenés à dire des choses ; alors je leur distribue souvent ce dont je dispose ici dans notre armoire dédiée au culte catholique. Ils se livrent assez vite et ça permet de comprendre, mais pas d’excuser. À la base, il y a bien souvent une absence d’amour dans l’enfance, une violence familiale…
Comment concrètement se passe le sacrement de réconciliation ici ?
Père Pierrick Lemaitre : Je confesse très peu ; dire « je te pardonne », ce n’est pas rien ici. Le rapport à la faute est complexe car bien souvent ils ne s’identifient pas à leur faute. On choisit au préalable un texte d’Évangile sur lequel on leur demande de lire et de prier pour les préparer à la confession.
Ce qui se vit ici me porte lorsque je repense à tel visage ou telle remarque qui nourrit ma prière.
Au fond, j’ai toujours aimé être en lien avec des personnes qui sont loin de l’Église ; ces rencontres me travaillent intérieurement. Je suis réellement heureux de venir en détention et d’être curé de paroisse.
Quelle fraternité au sein de votre groupe d’aumônerie ?
Père Pierrick Lemaitre : On a un bon humour entre nous et on partage beaucoup, on a développé une forme d’amitié. Cinq fois dans l’année, nous avons une supervision avec une psychologue pour garder aussi une juste distance, qui est toujours à revérifier. À l’extérieur on ne les revoit jamais. Il faut accepter de ne pas être leur sauveur et de ne pas résoudre leurs problèmes. Nous sommes dans la gratuité !
Avec combien de détenus l’aumônerie catholique est-elle en contact ?
Père Pierrick Lemaitre : Environ 200, mais c’est assez difficile de donner un chiffre juste car quelquefois on les suit pendant un long moment puis ils sont transférés… Il y a un cinquantaine de personnes détenues à la messe du dimanche.
Certains découvrent le Christ ici ! Tout n’est pas sale et moche, il y a du beau dans leur vie !
Avez-vous des demandes de baptême ou de confirmation ?
Père Pierrick Lemaitre : J’ai baptisé et confirmé trois détenus : c’est une grande joie, et ça se sait vite. La solidarité prend toute sa place. Certains découvrent le Christ ici. Tout n’est pas sale et moche, il y a du beau dans leur vie !
On dit qu’en prison le meilleur et le pire se côtoient ; en quoi cela vous fait-il réagir ?
Père Pierrick Lemaitre : Bien sûr il y a des drames derrière ces vies cabossées, mais ça reste des hommes au fond desquels il y a un mélange de lumière et de ténèbres. Ils sont tombés mais ils peuvent repartir, tout n’est pas foutu ! Un avenir est possible pour eux à la sortie. On est le témoin du travail de l’Esprit saint, on leur révèle la Source : Il est là !
Né le 4 août 1961
Cuisinier de profession avant d’entrer au Séminaire de la Mission de France
Ordination sacerdotale en 1989 à Ste-Marie-de-la-Guillotière à Lyon
Curé à Notre-Dame-de-L ’Espérance à Ivry
Interview réalisée par Sophie Mattei pour le magazine Vocations 217