C’est à 50 kilomètres de Paris, après avoir passé les banlieues animées du 93, que le père Jean-Baptiste Pelletier nous reçoit pour parler en vérité de sa vocation et de son nouveau ministère de prêtre à Chelles, deuxième ville la plus importante de la Seine-et-Marne.
Comment est née votre vocation ?
Ma vocation est née en famille, nous étions quatre enfants et la prière était au cœur de la maison. Ensuite, lorsque je suis arrivé au lycée, je me suis mis à prier seul dans ma chambre pour confier à Dieu mes joies et mes peines et j’ai pris conscience que j’étais habité par une grande joie et une grande paix intérieure. C’est alors que la prière ne m’a jamais quitté. J’ai été servant de messe et là, la figure d’un prêtre aumônier d’hôpital, le père Michel Denil, m’a beaucoup inspiré. Ensuite ma scolarité s’est toujours effectuée dans le public au milieu de personnes de religions différentes ou athées. Moi, j’aimais témoigner de ma foi et entrer dans des débats sur des faits de société ; ça me rendait profondément heureux et je voyais bien que c’était un signe que ma vocation était dans le monde et pas cloîtré.
Comment a réagi votre entourage lorsque vous vous êtes engagé sur ce chemin ?
En première, j’avais 16-17 ans, je ne savais pas quoi faire et j’ai dit à mes parents que je voulais être prêtre. Mes parents m’ont alors confié leur joie qu’un de leur fils puisse être appelé par le Seigneur ; ils y étaient ouverts, sûrement par la présence d’un oncle prêtre, – NDLR : le père Gérard Pelletier, ancien supérieur de la Maison St Augustin –. Ils ont insisté pour que je fasse des études avant pour avoir un diplôme. Je suis donc entré en fac de droit à Melun et, comme la fac ne me convenait pas, je me suis orienté vers un IUT de gestion des entreprises et administrations à Fontainebleau pour enchaîner sur une licence professionnelle. Ensuite je suis entré en année de fondation spirituelle (propédeutique) à la maison Saint-Jean-Baptiste de Versailles. A
nouveau pas de surprise, que ce soit de la famille ou des amis.
Pourtant, lorsque j’étais étudiant, j’ai été en couple avec une jeune femme et là je ne voulais plus entendre parler de ma vocation de prêtre, je voulais fonder une vie de famille. La jeune femme m’a laissé toujours libre de mes choix, et plus les mois passaient plus au fond de mon cœur ça ne suivait plus. J’étais malheureux car je résistais et j’avais du mal à admettre que Dieu m’appelait sur un autre chemin. L’amour de Dieu était plus fort, il m’appelait à le suivre. J’ai lâché prise et je lui ai dit la vérité. Après notre rupture, j’ai retrouvé peu à peu la paix que j’avais perdue.
Quel recul avez-vous sur votre formation ?
Après mon année de propédeutique, l’évêque m’a envoyé me former au séminaire de Notre-Dame-de-Vie à
Venasque. Lors des vacances je rentrais pour des temps d’insertion paroissiale, d’abord à Meaux puis au Val d’Europe où j’ai vécu mon diaconat. La formation intellectuelle est enracinée dans la prière et dans la vie théologale. On est dans la tradition carmélitaine : quelle force de voir nos formateurs prier avec nous dans la chapelle après les laudes ! A Notre-Dame-de-Vie, le double atout c’est la richesse de la formation biblique et le cadre qui est exceptionnel, au soleil au milieu des oliviers et face au mont Ventoux, bref au cœur de la Création ! On est en retrait du monde pour trouver Dieu.
Quelle empreinte gardez-vous de votre ordination sacerdotale ?
J’étais très stressé à l’idée de présider des messes et de prêcher. Ensuite j’ai été dans une grande confiance, l’ordination « m’a mis le feu » ! Pourtant, lors de l’imposition des mains de l’ensemble du presbyterium, je me disais au fond de moi : « Qu’est-ce que tu fais là ? ». J’ai eu l’envie de me lever et de partir ; en réfléchissant, je me suis dit : « Où serais-tu heureux ailleurs ? ». Je me suis rappelé Jn 6,68 « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle », et j’ai fait confiance : mon chemin était bien là !
Quelle est la particularité du diocèse de Meaux ?
C’est un diocèse hétérogène, à la fois très urbain et très rural ; des villages deviennent des villes, voire des cités. Les transports vers Paris facilitent la mobilité. Les populations sont cosmopolites et moyennement aisées. À Chelles il y a des communautés tamoul, antillaise, africaine, portugaise et ce sont eux qui font vivre les paroisses, ils sont fidèles. A Lagny ou à Meaux c’est différent, ce sont des familles enracinées depuis longtemps dans la région qui animent davantage les paroisses. Dans les zones rurales, il y a les familles issues du milieu agricole qui portent l’Hospitalité du pèlerinage que le diocèse organise à Lourdes.
Aujourd’hui, comment s’articule la journée type d’un vicaire ?
Ma mission s’organise à 50% en aumônerie de jeunes de la 4e à la terminale et jeunes pros, auprès des scouts de France et dans les établissements catholiques – primaire, collège et lycée – où je célèbre des messes et visite des classes. Je m’occupe aussi des préparations au mariage où je suis engagé.
Mais ma mission c’est aussi 50% de mon temps à suivre les jeunes en discernement d’une vocation et à mettre en œuvre des propositions. Il y a des vocations dans notre diocèse !
Vivez-vous dans un presbytère ?
Non, car il est en construction. Nous allons avoir la chance d’accueillir, en plein centre-ville de Chelles, l’église sanctuaire Sainte-Bathilde avec une église, des espaces d’accueil ouverts à tous, des locaux pour la paroisse, et des logements pour les prêtres. En attendant j’habite avec trois confrères prêtres, dans une cité. Nous avons repris les logements qu’occupaient des religieuses qui assuraient là une présence chrétienne. Ça se passe très bien, les habitants du quartier nous appellent « les frères ». On aimerait tisser plus de contacts, mais c’est difficile. Pourtant, une fois, on est allés en direction d’une bande de jeunes qui étaient en bas, on les a écoutés. Ils avaient besoin de dire que leur vie était dure et on a eu un bel échange, ils nous ont respectés ; l’écoute, c’est beaucoup ! Lorsqu’on porte la soutane ici, les musulmans nous reconnaissent comme des hommes de Dieu, et le respect est naturel.
Êtes-vous témoin de conversions au sein des populations qui vous environnent ?
Oui, les lycéens se convertissent, j’en suis témoin. Six d’entre eux ont reçu le baptême à Pâques. Ce qui me frappe, c’est qu’ils ont beaucoup de questions, qu’ils sont très présents et très fidèles à la messe. Et là où je les admire, c’est que leur famille n’est pas pratiquante voire hostile et ça ne les arrête pas !
Dieu appelle encore et va chercher loin …
Quel message souhaitez-vous faire passer à vos paroissiens de Chelles ?
Ce sont eux qui donnent le sens de mon sacerdoce. Ils prennent soin de nous, nous invitent, ont toujours des gestes d’attention. C’est pour eux que je suis prêtre, ensemble nous marchons vers le Christ, la sainteté et vers le royaume de Dieu !
Quel usage faites-vous des réseaux sociaux dans le cadre de votre mission d’éveil aux vocations ?
Je les utilise peu mais je pense que le service de communication de mon diocèse le fait très bien ! Quand on est en recherche, la première réaction c’est de regarder sur internet, avoir un nom, un mail, un numéro pour oser avancer ; c’est essentiel.
Je m’efforce d’actualiser le contenu sur ce que l’équipe propose car je suis aidé dans ma mission par une sœur de Jouarre et un couple dont le mari est diacre permanent. Nous avons organisé une tournée Vocations à Brie-Comte-Robert, Coulommiers, Lagny, où nous avons accueilli en bon nombre des lycéens, étudiants et des jeunes pros.
Quelles évolutions constatez-vous au sein de la jeunesse ?
Les jeunes sont plus ouverts au fait religieux avec le port du voile notamment ! Sous l’influence des musulmans et des protestants évangéliques, qui témoignent sur des questions intellectuelles et sont fiers de leur foi, il y a une ouverture sur les religions. Les jeunes se posent des questions qui peuvent être déroutantes ; par exemple sur WhatsApp, une jeune m’a demandé si le mercredi des Cendres elle pouvait boire de l’eau. Le contact avec l’Islam les pousse à travailler le sens de leur foi. Notre mission est aussi de les affermir, afin qu’ils soient fiers de leur foi en Jésus-Christ ! Je remarque aussi qu’avec l’instantanéité de la communication – grâce aux écrans qui nous ont envahis – lorsqu’on organise quelque chose, les jeunes ont du mal à répondre et donc à s’engager, mais au final ils viennent !
Quel est votre sentiment sur la crise des vocations ?
Ce n’est pas un scoop mais je crois qu’aujourd’hui, ce qui attire un jeune vers le sacerdoce c’est de le vivre ensemble en fraternité, de partager la mission et de faire corps. C’est aussi d’assumer son sacerdoce de manière visible avec un certain sens de la tradition. C’est en partie pour ça que la communauté Saint Martin remplit son séminaire ! Au niveau des diocèses, il y a des identités propres à conserver et le sacerdoce diocésain répond à cela. Il faudrait favoriser des lieux en retrait du monde pour permettre aux jeunes hommes de sortir du rythme effréné de nos vies, du bruit et de la consommation, non pas pour fuir mais pour écouter Dieu.
Interview réalisée par Sophie Mattei pour le magazine Vocations 216