L’incendie de Notre-Dame le 15 avril dernier a suscité une grande émotion et a attiré l’attention sur les pompiers qui sont intervenus. « Sauver ou périr » est la devise de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris. Comment est-elle vécue au quotidien ? Nous avons rencontré le lieutenant-colonel Denis Bréteau, qui évoque son parcours.
Comment avez-vous choisi de devenir pompier ? Est-ce un rêve d’enfant ?
J’ai toujours eu la vocation de militaire. Pour les pompiers, c’est plutôt une opportunité. Après mon année à l’école d’application du génie, des postes pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris étaient disponibles. Deux aspects suscitaient particulièrement mon intérêt. Premièrement la notion de service auprès des populations et, comme chrétien, envers le prochain. La devise des sapeurs-pompiers « Sauver ou périr » le met en valeur. En second lieu, j’étais attiré par un travail opérationnel, ancré dans le réel, en vue d’interventions quotidiennes.
Vous associez le service à votre foi chrétienne. Celle-ci influence-t-elle votre engagement ?
La notion de service est fortement liée à ma foi. Celle-ci. Celle-ci a une dimension verticale et horizontale. Verticale dans la relation à Dieu et à Jésus-Christ mort pour nous et ressuscité. Horizontale dans les actes envers les autres (cf. Jc 2, 14). Le service comme sapeur-pompier correspond à cette dimension. Bien sûr on peut servir sans la foi, mais pour moi elle est essentielle.
Mes parents m’ont transmis très tôt le sens du service. D’abord à travers la vie dans une famille nombreuse puisque nous étions huit enfants. Par ailleurs j’étais hospitalier à Lourdes de l’âge de 8 à 20 ans. Le scoutisme a aussi été une école de service, comme assistant-chef de troupe, chef de troupe et plus tard chef de groupe à Metz.
Enfin le service se traduit dans la liturgie. Enfant, j’ai appris le piano et naturellement j’ai tenu l’orgue dans ma paroisse. Et, à chaque déménagement dans une nouvelle ville, connaissant la pénurie d’organiste, j’ai toujours proposé mes services à la paroisse. Aujourd’hui à Saint-Ferdinand des Ternes (17e), je joue quelque fois de l’orgue de chœur.
Quel conseil donner à un jeune qui cherche quoi faire de sa vie ?
J’essaie d’accompagner mes propres enfants, en particulier mon fils aîné (20 ans) qui est au seuil de sa vie professionnelle.
Il me semble important d’exercer un métier qu’on aime, qu’on a pu choisir. D’où la nécessité de se renseigner. En même temps, pour moi, la Providence a tracé mon chemin à travers l’affectation dans le génie et les places disponibles à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris.
Vous êtes aujourd’hui affecté dans un service plus administratif, est-ce que vous gardez des habitudes de votre période opérationnelle ?
Des fondamentaux restent. Une intervention de sapeur-pompier est exigeante. Comme officier, j’avais la responsabilité des personnes, à la fois les personnels de mon équipe et ceux qui nous appellent pour une intervention. Il faut pouvoir effectuer le bon geste au bon moment, les actes sont de l’ordre du réflexe plus que de la réflexion.
Aujourd’hui je travaille pour le bureau de l’organisation des systèmes d’information. Afin qu’un système soit opérationnel, la phase d’élaboration et de conception doit être très rigoureuse pour anticiper les difficultés au moment du déploiement. Le travail d’équipe demeure important, aussi bien dans la cohésion entre les personnels que dans l’interface avec des sociétés publiques ou privées.
Enfin je garde toujours présent à l’esprit la finalité de l’intervention. Sur le terrain, je devais répondre au besoin de celui qui fait appel à nous, « celui qui nous a sonnés ». Aujourd’hui, je dois répondre au besoin de celui qui utilisera le système.
Récemment, les médias ont évoqué les difficultés du métier de pompier (grève, changement d’orientation). Avez-vous ressenti ces difficultés ?
Dans les régions, les pompiers sont organisés en services départementaux. Ce sont des fonctionnaires publics territoriaux qui s’appuient sur de nombreux volontaires. À Paris, c’est différent. Les pompiers de Paris sont militaires, tous professionnels. Cependant les difficultés rencontrées sont communes, principalement les agressions.
En moyenne, un pompier est agressé chaque jour, verbalement ou physiquement. L’an dernier (septembre 2018) le caporal Geoffroy Henry est mort en service, à Villeneuve-Saint-Georges, agressé par la personne qu’il venait secourir. C’est très présent dans les esprits. On prend désormais des dispositions particulières avec des équipements particuliers pour arriver sur certains lieux.
Dans l’imaginaire commun les pompiers sont liés au feu. Est-ce toujours le cas ?
Les feux sont très minoritaires et le sont de plus en plus grâce aux mesures de prévention comme les détecteurs autonomes qui permettent d’appeler les secours de manière précoce. Ils ne représentent que 3 à 4 % des interventions. Nous intervenons principalement pour des secours aux victimes, blessées ou malades à domicile et sur la voie publique.
Quels sont les interventions les plus marquantes dont vous gardez-mémoire ?
En général, ce qui me marque ce sont les victimes ou la spécificité des lieux sur lesquels on intervient comme les suicides à la Tour Eiffel. Mais je garde particulièrement en mémoire deux petits garçons, intoxiqués par des fumées. À cause de la disposition de leur appartement, les parents ne s’étaient pas rendu compte de l’inflammation d’une couette dans la chambre de leurs enfants. Celle-ci a dégagé beaucoup de fumées toxiques et nous sommes arrivés trop tard pour les sauver. Mes propres enfants avaient le même âge.
Quelle-est la place de l’aumônier ?
La brigade des sapeurs-pompiers de Paris a la particularité d’être éclatée sur quatre-vingts centres de secours dans les quatre départements de la petite couronne. Pour cette raison, on n’a pas de lieu central où se retrouver. Lors des évènements particuliers comme la Sainte-Barbe (4 décembre) ou l’anniversaire de la fondation de la Compagnie, c’est à Saint-Louis des Invalides qu’ont lieu les rassemblements.
L’aumônier, le Père Fournier, propose une messe mensuelle à la chapelle du diocèse aux Armées, rue Notre-Dame-des-Champs. Le Pèlerinage militaire international à Lourdes représente un temps fort, auquel peuvent participer les familles. C’est aussi l’occasion pour nous d’accompagner les blessés de la brigade.
Enfin on voit l’aumônier s’il y a des coups durs. Il est appelé sur les interventions lorsqu’il y a des victimes.
N’étant plus dans un service opérationnel, vous n’avez pas participé à l’intervention pour l’incendie de Notre-Dame de Paris. Est-ce que cet évènement vous a marqué ?
Comme beaucoup je l’ai suivi à la télévision mais, comme pompier, je l’ai détaillé en pensant à ce qu’on aurait fait ; le côté technique revient toujours. C’est un type d’incendie très particulier sur un monument extraordinaire. J’ai été touché également en tant que chrétien. La cathédrale, c’est le lieu fondateur de la cité, le siège de l’évêque représentant le Christ.
La devise « Sauver et périr », c’est aussi le titre d’un film. Est-ce qu’il évoque la vie de la caserne avec justesse ?
Mercredi 18 septembre, au cours de la prise d’armes qui marque l’anniversaire des pompiers de Paris, le réalisateur de ce film, Frédéric Tellier, et le scénariste, David Oelhoffen, ont été fait membres d’honneur de la BSPP. C’est une manière de leur rendre hommage et de reconnaître le travail de qualité qu’ils ont fait sur les pompiers. Personnellement je n’ai pas vu ce film mais beaucoup l’ont trouvé très réaliste sur la vie d’une caserne.
Récemment le capitaine Michel Chislard a publié ses mémoires, Dans la peau d’un sapeur-pompier de Paris. Une occasion de lecture pour ceux qui veulent être au cœur de notre vocation.
Interview réalisée par le père Vincent Thiallier pour le magazine Vocations N°205