La foi est une histoire personnelle, une rencontre et un dialogue entre un être humain et son Dieu. C’est incroyable mais bien vrai : parmi les milliards d’hommes sur la terre actuellement, Dieu nous connaît par notre prénom. Il veut nous parler, nous laisser parler, nous écouter, nous rendre heureux, nous révéler un amour aux dimensions infinies et aux surprises nombreuses.
L’aventure spirituelle
Cette conviction qu’il existe une relation personnelle entre Dieu et chacun de nous fonde l’aventure spirituelle. Tout peut commencer sur cette base. D’autre part, il y a toujours un commencement à la relation personnelle entre un homme et son Dieu. On se rend compte un jour que Dieu nous aime et nous connait mieux que nous-mêmes. Cela se passe en un instant, ou bien après un événement, brusquement ou petit à petit. De plus, vivre cette aventure, c’est aussi une décision qui dépend de nous. Dieu nous y invite. A nous de répondre à sa voix. A nous de nous mettre en chemin. Qui dit aventure dit aussi un certain risque : personne ne connaît les détails de ce qui va arriver. Il faut s’attendre au meilleur, mais on avance toujours dans l’inconnu. Peut-être y a-t-il des obstacles sérieux à franchir sur cette route?
Comment surgit une telle aventure ? A l’origine, dans le cœur profond de l’homme. C’est son mystère et celui de Dieu. Elle passe à travers des événements de l’histoire personnelle de chacun. Souvent, on n’en est pas conscient tout de suite. L’aventure spirituelle explicite et consciente peut commencer très jeune ou plus tard. Sainte Thérèse d’Avila rapporte dans le récit de son enfance : « Au commencement de ma vie spirituelle, à l’âge de treize ans… » Saint Ignace de Loyola fut moins précoce : c’est à trente-et-un ans qu’il émerge à la vraie vie spirituelle. Il s’aperçoit qu’il vit quelque chose de « spécial » : « Quelle est cette nouvelle vie que nous commençons maintenant ? » Quelqu’un d’autre est présent dans sa vie. Il fait l’expérience de la présence de ce compagnon et il s’interroge : « Que dois-je faire ? Comment le faire ? » Sainte Thérèse de Lisieux, quant à elle, parle du « Seigneur de ses trois ans » ! La vie des saints et des saintes est très éclairante dans ce domaine.
La vie spirituelle peut donc surgir à tout âge. On peut en prendre conscience spontanément. Ce n’est pas « affaire de spécialiste ». On peut l’oublier aussi, ou la rejeter, car elle est une œuvre de la liberté humaine. Dans ce cas, c’est comme si l’on jetait du béton sur le jaillissement de la source. Celle-ci risque de ne plus couler pendant des années.
A quoi sert un accompagnateur ?
Dans cette aventure spirituelle, il est bon de ne pas rester seul. Car la vie chrétienne est une vie fraternelle. « Un chrétien qui reste seul est un homme en danger de mort », dit souvent le cardinal Danneels. Avoir un guide et un compagnon dans cette aventure spirituelle peut être utile, parfois nécessaire, pour mieux la vivre en vérité, pour discerner ce qui est bon pour nous, pour éviter de prendre de fausses pistes ou de rester dans l’illusion. Chercher et correspondre à la volonté de Dieu à tout instant représente un travail. Efforts, peines et joies sont au rendez-vous. Si l’on trouve un frère ou une sœur qui puisse être témoin de ce que nous vivons, ce sera une aide : pour « durer » dans la grâce, pour que l’aventure ne soit pas un feu de paille ou l’émotion d’un instant, pour que ce chemin soit vraiment de sainteté.
Cet accompagnateur spirituel est témoin de l’action de Dieu en nous, de ce qui apparaît progressivement du travail et de la présence de l’Esprit-Saint en notre cœur. Parfois, il peut nous mettre sur la piste de nombreuses découvertes. Il est mémoire aussi des dons que chacun reçoit ou a reçus et que l’on oublie si facilement. En regardant le chemin parcouru, il nous indique notre propre fidélité à la grâce reçue. Il fait mémoire de notre vocation et des appels que Dieu nous adresse. Il nous aide à grandir rapidement, en évitant certains écueils ou impasses. La vie de tous les saints est traversée de ce type de rencontre fraternelle qui stimule, conseille, ramène à l’essentiel, console, ouvre de nouveaux horizons. Un accompagnateur spirituel nous conduit à mieux vivre en vérité avec soi-même, avec les autres, avec Dieu. Il est une aide, un repère pour discerner le vrai du faux, pour connaitre la volonté de Dieu, pour donner à notre aventure spirituelle un dynamisme permanent et une dimension éternelle.
Car il y a des « passages » dans la vie spirituelle qui sont plus ou moins faciles à vivre. Ils sont le reflet aussi de la vie tout court : ils sont branchés sur cette vie qui nous mène par étapes de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte et à la vieillesse. Tous, nous avons à vivre ces réalités, à en découvrir le sens et les modalités concrètes : vivre un malheur, une maladie, un décès, ne plus savoir que faire de sa vie, « perdre la foi » ou vivre une crise de confiance, être trahi par un ami ou un proche, subir un échec cuisant, faire un achat important, développer un don artistique, se mettre au service des autres, choisir des études ou un métier.
L’accompagnateur spirituel n’a jamais vécu exactement la même situation que nous, car chacun est unique et les événements ne se répètent pas de manière identique. Cependant, qui dit expérience et sagesse, dit qu’il a franchi certaines difficultés aussi. Lorsqu’on escalade une paroi, il y a des prises qui n’apparaissent pas au premier coup d’œil. Si quelqu’un d’expérimenté crie « à gauche », « à droite », « en aplomb », une force entre en nous et nous anime à continuer et à forcer tel passage difficile. Ce n’est pas l’accompagnateur qui monte à notre place, mais il nous a mis sur la bonne piste. Certains mettent parfois des années avant de comprendre ou de vivre en adultes parce qu’ils ne veulent recevoir de conseils de personne, comme ceux qui s’obstinent à monter sur une paroi lisse sans voir les points d’appui qui sont à leur disposition. D’autres font confiance à l’expérience d’autrui…
Père Alain Mattheeuws, s.j.