Reconnaître, acquiescer et vivre un appel sont des moments forts de la vie spirituelle de tout chrétien. Les appels sont variés mais certains, comme le sacerdoce, la vie religieuse, le mariage, engagent toute une vie. Bien sûr, c’est Dieu qui appelle mais la mère de Jésus n’est jamais très loin.
Son expérience peut nous être utile. Déjà à Nazareth, dans ce village perdu, la jeune fille Myriam vit une expérience radicale de don d’elle-même dans la discrétion et la lumière de son cœur. Elle n’est pas dans un grand palais. Dans sa maison, elle semble en silence ou occupée aux activités de la vie ordinaire. Et pourtant elle reçoit un signe bouleversant : un ange, envoyé de Dieu, pour lui révéler qui elle est et lui communiquer une demande de la part de Dieu.
« Réjouis toi, comblée de grâce » lui dit l’ange
Dieu lui partage ainsi sa joie de la contempler. Dans ce contexte de joie, il lui dit aussi qu’elle est habitée depuis longtemps par une ouverture à la grâce : elle est prête, disponible, ouverte. Elle est immaculée. Cette apparition n’est pas une autosuggestion : c’est l’ange qui relit sa vie, l’interprète et lui partage son admiration. Depuis toujours, elle est profondément gracieuse et libre pour faire ce que Dieu lui propose. Cette attitude de Marie est un bel exemple pour nos vies. Devant Dieu, nous restons libres, mais Dieu a toujours de grandes choses à nous proposer. L’appel au don de soi résonne dans le cœur profond d’un être humain. Il en existe des symptômes spectaculaires, mais le plus souvent Dieu envoie son messager dans le silence et la discrétion. Marie en est un témoignage. Sa personnalité, son espérance, sa manière de vivre nous indiquent toujours un chemin pour écouter les messages divins. Si nous cherchons à mieux connaître les appels de Dieu pour nous, il convient de mieux connaître Marie et de dialoguer en priant avec elle.
La visite de l’ange est une joyeuse surprise pour Marie
Elle est comme « troublée et se demandait ce que pouvait signifier cette salutation » (Lc 1,29), mais l’ange la rassure, lui transmet un message et la convie à un dialogue. Il lui manifeste le désir de Dieu : « Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et on sera appelé fils du Très haut » (Lc 1,31). Cette annonce-surprise n’est ni un rêve ni une invention de son imagination. Ainsi pour mieux comprendre cet appel, Marie parle et pose non pas des oppositions et des refus, mais bien plutôt des questions concrètes concernant la réalisation de cette prophétie. Elle se sait promise en mariage à Joseph : comment faire ? Pour être mère sans avoir de relations avec un homme : comment faire ? Marie reçoit une réponse à ses questions : Dieu prend soin de tout et particulièrement de sa personne et de son corps. L’ange lui dit : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre et l’enfant qui naîtra de toi sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1,35). Avant de consentir pleinement à cette mission, Marie donne son avis et ses questions. Marie ne comprend pas tout le contenu du message : il lui faudra du temps.
Elle a conscience qu’il s’agit bien d’une proposition importante du Seigneur
Telles sont aussi pour tous les conditions de l’exercice de la liberté humaine. Ainsi à tout appel de Dieu pour nous correspond un discernement, une réflexion priante, un temps d’attente et de maturation de notre consentement. Faisons comme Marie avant de dire « oui » : prenons, en confiance, le temps de dialoguer avec Dieu ou avec un guide spirituel pour interpréter les signes et les anges accueillis.
Et Marie dit « oui » : « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1,38). Ce consentement n’est pas n’importe quel « oui », mais un acquiescement sans détour à l’œuvre divine. Il ne s’agit pas simplement de dire « oui », « ok », « d’accord » de manière polie ou conventionnelle : l’ouverture du cœur de Marie est entière. Son « fiat » concerne tout son être. Un changement dans sa vie surgira de cet acte de liberté. Par grâce et librement, Marie se met presque à la hauteur de la demande divine. Marie sans replis, pure et sans tache, s’ouvre par son « oui » à la hauteur de la puissance de l’Esprit qui dès lors peut la prendre sous son ombre. Le Christ est ainsi conçu : le mystère du salut commence et l’Incarnation du Fils devient effective.
Marie ouvre la porte d’une nouvelle histoire
Son consentement nous concerne tous car, grâce à la mère du Sauveur, nous est offert le salut. Le consentement de Marie ouvre l’espace et le temps de toute l’humanité. Si nous sommes libres et capables de « faire la volonté divine », c’est parce que nos « oui » sont comme abrités, logés, fortifiés dans le « oui » de Marie. Nous pouvons l’imiter : nous en avons l’aptitude et la force par notre liberté qui répond à toute demande de Dieu. Nous pouvons l’imiter en faisant comme elle et en lui demandant son intercession. Marie a reçu la mission de nous prendre par la main si nous le désirons et d’aller jusqu’au bout de notre consentement à un appel.
La découverte spirituelle de la mission de Marie est une aide pour répondre à tout appel. Aimer Marie, c’est une option spirituelle : s’ouvrir au plan de Dieu dans l’histoire des hommes. Nous ne sommes pas tout à fait comme elle, sans plis, sans péchés, sans blessures. Des doutes nous assaillent devant les prodiges de Dieu et l’ampleur de ses invitations. Des peurs peuvent surgir, des obstacles se présenter. La plupart du temps, répondre à un appel c’est être affronté à des combats. Marie est toujours la première en chemin : elle est une aide maternelle. Elle remplit sa mission puisque le Christ lui-même nous a confiés à elle sur la croix : « Femme, voici ton fils ». Reconnaissons humblement qu’elle est notre mère et qu’elle prend soin de nous : « Fils, voici ta mère ». Et prenons la chez nous : elle nous conduira avec sureté vers son Fils et nous aidera à y voir clair dans son appel.
Père Alain MATTHEEUWS, Docteur en théologie