Dans la vie d’un prêtre diocésain, appelé à vivre dans le monde, la radicalité évangélique est parfois moins visible que dans une vocation religieuse. En quoi cette radicalité évangélique s’exprime-t-elle dans la vie d’un prêtre diocésain ?
« La radicalité évangélique, pour le prêtre diocésain, c’est d’abord d’assumer les contraintes propres à une vie de communauté paroissiale. Ce que le Concile a formulé en disant que le lieu propre de la sanctification du prêtre, c’est son ministère. Ça veut dire que nous ne devenons pas saints parce que nous sommes de spiritualité jésuite ou carmélitaine, ou oblat de je ne sais quelle abbaye. Nous devenons saints parce que nous sommes donnés totalement et complètement à la communauté à laquelle nous sommes envoyés.
La radicalité évangélique, cela veut dire que je fais l’effort, avec la grâce de Dieu, de raisonner mes activités, non pas en fonction de ce qui me plaît ou de ce qui m’attire, mais en fonction du peuple auquel je suis envoyé. Dans l’ordination, je fais une promesse d’obéissance hiérarchique à l’Evêque, pour vivre avec lui dans le respect et l’obéissance. Ce qui veut dire, – c’est le premier aspect de l’obéissance -, que je me mets à sa disposition pour ce qu’il me demandera. Mais l’autre aspect de l’obéissance, qui est au moins aussi important et profond, c’est d’adhérer à la réalité de la mission qu’il me confie. Il ne s’agit donc pas simplement d’une obéissance formelle dans laquelle mon cœur ne serait pas engagé.
La radicalité évangélique du prêtre diocésain, c’est qu’il se donne tout entier à ce que la mission demande. Cette radicalité évangélique s’exprime aussi dans une manière de vivre, qui est une certaine austérité de vie, non pas triste, mais réglée par la mission. Je vais vous donner un exemple : comme beaucoup de gens, j’ai un carnet avec un répertoire d’adresses. Dans celui-ci, il y a certainement plusieurs centaines de personnes dont je pourrais être l’aumônier particulier. Mais je l’ai toujours refusé, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels. Je ne crois absolument pas que la grâce de Dieu ne peut passer que par moi ! Sauf dans des situations particulièrement dramatiques et exceptionnelles, je refuse tout simplement. Je ne suis pas devenu l’aumônier de mes relations.
Ou bien encore, quand j’ai reçu une nouvelle mission, j’ai arrêté ce que je faisais. Par exemple, avant que je ne sois vicaire général, j’étais professeur au séminaire, et comme tous les professeurs de Séminaire, j’étais sollicité par toutes sortes de gens pour faire des conférences, des retraites, etc… Eh bien, quand le cardinal Lustiger m’a nommé vicaire général, j’ai cessé de répondre à ces demandes.
J’avais comme cela dans mes sacoches quelques dizaines de personnes à qui je servais de référence spirituelle, parce que cela c’était trouvé ainsi et que cela n’était pas incompatible avec ma mission de professeur au séminaire. Quand j’ai été nommé vicaire général, j’ai fait une lettre circulaire où je leur ai dit : « Je ne peux plus m’occuper de vous ». Cela ne faisait pas partie de ma mission, même si, bien sûr, il y a eu quelques exceptions. De même, quand le nonce m’a appelé pour me nommer archevêque de Tours, je crois qu’avec le cardinal Lustiger, nous avons réalisé l’opération en trois semaines ! Adieu et accueil à Tours. Quand j’ai été nommé de Tours à Paris, cela s’est fait en quinze jours ! Je trouve que cela appartient à la radicalité évangélique, c’est-à-dire que ce qui conduit ma vie, c’est la mission que l’on me donne : « Tu vas là », et j’y vais. Je peux déménager en 24 heures. Cela me rend plus pauvre, plus libre et plus mobile. Je crois que c’est là la pointe de la radicalité évangélique d’un prêtre diocésain, cette disponibilité pour le ministère, cet engagement du cœur et des capacités d’action de la personne dans une relation d’amour auprès des gens vers qui vous êtes envoyés, être disponible pour cette relation d’amour, et d’une certaine façon, quand même, être corvéable. »
Réponse du Cardinal Vingt-Trois aux questions des jeunes présents à la fête du Séminaire de Paris, au collège Stanislas.