Je ne te connais pas, cependant laisse-moi te faire part de quelques réflexions et conseils jaillis de multiples rencontres avec de jeunes hommes et de jeunes femmes qui ont soif d’aimer, soif de se lancer à toutes voiles sur les flots de la confiance et de l’amour. Peut-être es-tu dans cette situation ?
La vie religieuse, sacerdotale t’attire-t-elle ? Ou bien, est-ce le mariage ? Où te conduira cette générosité ? Je ne sais, mais c’est probablement le cadeau le plus précieux qui t’ait été fait ; celui qui te permettra de réaliser ton bonheur et celui des autres. Tu as parfois l’impression que ta générosité te dévore, qu’elle est excessive, qu’elle ne te laisse plus de place, à toi. Parfois tu hésites à te donner davantage, craignant de tout perdre et de te trouver dans une impasse, un grand vide. Et pourtant tu continues à avancer. Tu continues à espérer. Car tu sais que « Tout ce qui n’est pas donné est perdu », comme dit le Père Ceyrac, un vieux jésuite missionnaire.
Thérèse de Lisieux s’écrie : « Aimer, c’est tout donner, et se donner soi-même… » C’est à cela que tu aspires peut-être aussi. Mais comment savoir où Dieu t’appelle ? Tant de questions se bousculent alors. Et d’ailleurs, est-on un jour sûr de sa vocation ?
Lis d’abord ce conte :
« J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village, lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce roi de tous les rois ! Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : « C’en est fini des mauvais jours », et déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu me tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me donner ? »
Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! j’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le coeur de te donner mon tout ! » »
Rabindranah Tagore, « L’offrande lyrique », trad. André Gide
Seul un coeur large et généreux trouvera ce qu’il cherche. Seul un coeur libre se laissera trouver par Celui qui appelle.
« N’ayez pas peur ! » Tel est le premier message de Jean-Paul II aux chrétiens après son élection. De quelle peur s’agit-il ? Peur de la maladie, de l’avenir, des échecs ? Peut-être bien, mais ce n’est pas le coeur du message. La raison de la peur n’est pas à chercher à l’extérieur de soi, mais en soi. « Suivez Jésus. N’ayez pas peur de vous approcher de Lui, de dépasser le seuil de sa maison, de parler avec Lui face à face, comme l’on s’entretient avec un ami. » (Message de Jean-Paul II, pour la XIIe JMJ à Paris.) C’est la prière qui va permettre d’entrer dans l’intimité du Seigneur et le cœur de l’homme aspire à cette intimité. Le cœur de l’homme est capable de cette relation personnelle avec Dieu et il souffre de son absence. « Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne demeure en Toi. » (Saint Augustin, Confessions.) Alors pourquoi donc sommes-nous si hésitants parfois, nous tenant sur le seuil et n’osant pas entrer dans cette intimité ?
Peut-être parfois perds-tu le chemin de la prière ? Comment le retrouver ? Jésus enseigne ses disciples de manière très simple et pratique: « Pour toi, quand tu veux prier, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mt 6, 6). Voilà en une phrase toute une école de prière ! Et de fait, l’Évangile indique fréquemment que Jésus part à l’écart pour prier. Notre mode de vie agité ne favorise guère ce recueillement et pourtant il est plus que jamais vital de trouver le chemin de « sa chambre », car c’est là que se fortifie notre relation au Père. Ne crains pas de partir à l’écart et de prolonger ces moments dans ta chambre, dans une église ou dans un monastère ; « ton Père qui voit dans le secret te le rendra »…
Faire une retraite ou un pèlerinage, c’est une manière privilégiée pour se retirer à l’écart pour prier notre Père. Des temps de retraite sont nécessaires pour fortifier la vie intérieure et la relation personnelle avec le Seigneur, sans laquelle aucune vocation chrétienne ne peut se réaliser. Le chrétien est homme des sources. Il connaît la source où coule l’eau de la Vie ; il reconnaît aussi sa source, celle qui le désaltère lui, personnellement. Et il y revient. Parfois, la source demeure cachée et il lui faudra patience et persévérance, dans l’obscurité, pour la retrouver :
« Je connais la source qui coule et se répand,
Quoique ce soit de nuit !
Cette fontaine éternelle est cachée,
Mais comme je sais bien où elle est,
Quoique ce soit de nuit !
Dans cette nuit obscure de cette vie
Comme je connais bien, par la foi, la fontaine,
Quoique ce soit de nuit ! »
Saint Jean de la Croix, Poésie IX
« Aimer, c’est tout donner, et se donner soi-même ! » Quelque chose brûle et se donne, dans le coeur de Thérèse de Lisieux, quand elle parle ainsi. C’est seulement dans ce don que l’homme réalise ce pour quoi il est fait, et c’est seulement là qu’il se réalise pleinement.
Probablement as-tu le désir de te donner. Comment parvenir à se donner vraiment ? Certainement, l’eucharistie sera le chemin privilégié pour chercher le Seigneur et se donner à Lui. L’eucharistie est le sacrement de l’amour, alliance de deux amours qui se rencontrent : l’amour de Dieu s’allie à l’amour de l’homme pour ne faire qu’un. « Ceci est mon corps, livré pour vous. » Quand le Seigneur se livre ainsi de manière totale et inconditionnelle, il attend de nous-mêmes une réponse libre et absolue. L’eucharistie est donc aussi le moyen le plus efficace pour trouver l’amour. Il faut y boire fréquemment. Si tu en as la possibilité, inscris « l’eucharistie en semaine » sur ton agenda.
A celui qui ne trouvera pas de messe célébrée à proximité, le Seigneur donnera une grâce particulière pour « se donner » à travers d’autres formes de prière. Ainsi, en Asie, une communauté catholique a vécu plusieurs siècles sans prêtres, se nourrissant de la prière du chapelet.
Mgr Renauld de Dinechin