Le monde qui m’entoure est plein de sollicitations, kaléidoscope de paroles, d’images, de musiques. Le monde entier m’arrive en fragments successifs, rapides, tous sur le même plan. La vie comme un clip, mais en plus dramatique et avec la possibilité de zapper… Des lieux différents, qui peuvent être autant d’univers cloisonnés : celui où j’habite, un autre où je travaille, encore ailleurs où je me distrais, où je milite… Tout peut me disperser.
Face à cela
Vais-je vivre des « moi » successifs sans beaucoup de rapports entre eux ? Souvent, c’est la superficialité, une expérience tout en surface, qui me conduit à une vie en quelque sorte hors de moi-même : je me projette sur tout ce qui se passe, comme une « éponge relationnelle ». Tout et son contraire tout de suite !
Mais alors qui suis-je vraiment ? Vais-je demeurer un peu en moi, où Dieu m’attend, en essayant de m’aimer comme il m’aime, sans fuir ma vie ?
Vais-je rester moi-même, avec la distance nécessaire pour dire oui ou non ? Rester attentif, informé, mais garder le cap et « méditer toutes ces choses en mon cœur « ?
Il me faut reconnaître la contradiction ou la confusion de mes désirs. Je veux à la fois des relations et être tranquille, je veux être aimé et ne veux pas aimer, j’aime et je déteste à la fois mon travail, ma famille, mes amis, mon prochain. Mes désirs sont parfois ambigus ou mélangés. Il reste que la vie est faite d’une série de choix quotidiens, de « oui » et de « non » qui finissent par définir une trajectoire. Un sens peut alors commencer à se dessiner : le vent contraire peut aussi nous faire avancer !
Pour autant, ne pas tomber dans l’excès de vouloir tout maîtriser. C’est un art que la gestion de son temps, qui permet d’intégrer imprévus et contraintes ou, à l’inverse, malgré les contraintes et les agendas, prendre le temps de m’arrêter pour réfléchir, pour hiérarchiser les urgences. Il me faut en conséquence adopter une certaine discipline de vie, comme le jardinier qui doit débroussailler le jardin pour qu’il respire.
C’est toujours un amour qui unifie la vie
La vie, l’activité de ceux qui s’aiment et qui aiment (les amoureux, les parents, tous ceux qui « donnent » leur vie), est polarisée par leur amour : tout ce qu’ils font, quand bien même c’est une multitude de choses, grandes et petites, s’unifie et prend sens.
L’intériorité est aussi un facteur d’unification de ma vie : la prière, l’examen de conscience, une retraite offrent les moyens de relire sa vie.
Être vigilant et lucide sur mes choix : pourquoi est-ce que je fais ce que je fais ? Qu’est-ce que j’aime dans ce que j’aime ?
Faire communiquer sans cesse tout ce qui remplit ma vie (études, travail, relations, foi, …).
Ainsi, peu à peu, se construit mon expérience, à partir de deux éléments : bien me connaître moi-même, sans illusion ni défaitisme, et tenter de discerner où m’attendent Dieu et les hommes. Rien en effet ne polarise une vie autant qu’un appel qui lui est adressé. La diversité de la vie, à tous ses instants, peut alors devenir un plaisir. J’arrête de faire le caméléon sur la jupe écossaise. Parce que je me suis construit une mémoire et que j’adopte un horizon, tout en restant libre par rapport à eux : Dieu est plus grand. Mais je puis m’appuyer sur la mémoire de ma foi en lui. Ce qu’il me demandera correspond à ce dont je suis capable, quand bien même je ne l’imagine pas encore…
Simplement, il me faut me tenir là où Il se trouve : d’abord en moi.
Père François Bousquet