L’esprit est le souffle, la vie du corps ; il est ce qui fait vivre le corps et le fait vivre d’une certaine façon. C’est l’esprit qui fait qu’un corps est ce qu’il est, ce qui le marque et le différencie. Si, en naissant, j’ai un certain visage que j’ai reçu comme héritage, une fois adulte j’ai le visage que j’ai cherché à me constituer.
Car le visage est la sédimentation de mes expériences douloureuses et joyeuses, d’esclavage et de liberté, d’égoïsme et d’amour : il manifeste l’obscurité ou la lumière des paroles semées et cultivées dans mon cœur.
De plus en plus conforme à l’image du Fils
C’est un grand réconfort de comprendre que notre existence est un processus de transfiguration pour devenir de plus en plus conforme à l’image du Fils de Dieu. Le christianisme est tout entier fondé sur le corps que le Christ a assumé. Il est projeté sur le corps du chrétien, qui est plongé dans l’eau du baptême, puis accompagné tout au long des différentes étapes de la vie, jusqu’à l’ultime maladie et la mort, comme prélude à la résurrection du corps. Le corps du chrétien vit pour son insertion dans le Corps du Christ ressuscité et devient membre du grand Corps du Christ qu’est l’Église.
Au centre du christianisme il y a donc un corps qui naît, croît, communique, se reproduit, se dilate, souffre, tombe malade, guérit, meurt ; car c’est dans le devenir du corps que vit la Parole.
La chasteté, exemple que l’Esprit fait vivre notre corps
« La chasteté est une attitude transparente à l’égard de la personne de sexe différent » (Karol Wojtyla). La chasteté est une très belle attitude qui doit être comprise dans son rapport avec la beauté de l’amour. Loin d’être mépris du corps, elle permet d’en canaliser les énergies, en les détachant des replis égotiques, vers un service de plus en plus grand et réciproque. Il est vrai que la racine du mot chasteté renvoie à l’austérité, au fait de « mettre un frein » ; positivement elle nous enseigne la discipline du cœur, des yeux, du langage, de tous les sens.
Or tout cela accorde aisance, liberté, harmonie et paix. La chasteté n’est pas négative, c’est au contraire une authentique maîtrise de soi, en même temps que la reconnaissance de la seigneurie de Jésus sur notre corps et notre vie. La chasteté nous fait vivre dans notre corps la liberté de l’Esprit dont les fruits s’appellent charité, joie, paix, patience, serviabilité, modération, maîtrise de soi, courtoisie, douceur, longanimité.
Mon corps n’est donc pas simplement un moyen d’écouter et de dire la Parole : c’est celle-ci qui lui confère sa propre vie.
Cardinal Carlo Maria Martini – Extraits de « Simple propos sur le corps », Edition Saint Paul, 2001