Question posée au Pape Benoit XVI lors d’une rencontre avec les jeunes de Rome pour préparer les JMJ 2006 dans les diocèses. © Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana – Traduction réalisée par ZENIT.org
Très Saint-Père, l’un des problèmes auxquels nous sommes le plus confrontés est le problème affectif. Nous avons souvent des difficultés à aimer. Oui, des difficultés : car il est facile de confondre l’amour avec l’égoïsme, en particulier aujourd’hui, où une grande partie des médias nous impose presque une vision de la sexualité individualiste, où tout semble permis et autorisé au nom de la liberté et de la conscience des personnes.
La famille fondée sur le mariage semble désormais n’être plus qu’une invention de l’Eglise, sans parler des relations avant le mariage, dont l’interdiction apparaît même à un grand nombre d’entre nous, croyants, comme une chose incompréhensible ou hors du temps… Sachant qu’un grand nombre d’entre nous essayent de vivre leur vie affective de façon responsable, pourriez-vous nous expliquer ce que la Parole de Dieu dit à ce propos ? Merci.
Il s’agit d’une question importante et y répondre en quelques minutes n’est certainement pas possible, mais je vais essayer de dire quelque chose. Vous avez vous-même déjà apporté des réponses lorsque vous avez dit qu’aujourd’hui, l’amour est souvent mal interprété dans la mesure où il est présenté comme une expérience égoïste, alors qu’en réalité, il s’agit d’un abandon de soi qui permet de se trouver. Vous avez également dit qu’une culture de la consommation fausse notre vie en raison d’un relativisme qui semble tout nous permettre, mais qui en réalité nous vide. Mais alors, écoutons la Parole de Dieu à ce propos.
Pour ma part, je trouve très beau que dès les premières pages des Saintes Ecritures, immédiatement après le récit de la Création de l’homme, nous trouvions la définition de l’amour et du mariage. L’auteur sacré nous dit « Ainsi donc, l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair, une seule existence ». Nous sommes au début et nous trouvons déjà une prophétie de ce qu’est le mariage ; et cette définition demeure identique également dans le Nouveau Testament. Le mariage signifie suivre l’autre dans l’amour et devenir ainsi une seule existence, une seule chair, et donc inséparables ; une nouvelle existence qui naît de cette communion d’amour, qui unit et crée ainsi également l’avenir. Les théologiens du moyen âge, en interprétant cette affirmation qui se trouve au début des Saintes Ecritures, ont dit que le mariage a été le premier des sept Sacrements institué par Dieu, ayant été déjà institué au moment de la création, au Paradis, au début de l’histoire, et avant toute histoire humaine.
Il s’agit d’un sacrement du Créateur de l’univers, et donc inscrit précisément dans l’être humain lui-même, qui est orienté vers ce chemin, dans lequel l’homme abandonne ses parents et s’unit à sa femme pour former une seule chair, afin que les deux ne deviennent qu’une seule existence. Le sacrement du mariage n’est donc pas une invention de l’Eglise, il a réellement été « co-créé » avec l’homme en tant que tel, en tant que fruit du dynamisme de l’amour, dans lequel l’homme et la femme se trouvent mutuellement et trouvent ainsi également le Créateur qui les a appelés à l’amour. Il est vrai que l’homme est tombé et a été chassé du Paradis, ou, en d’autres termes, plus modernes, il est vrai que toutes les cultures ont été souillées par le péché, par les erreurs de l’homme dans son histoire, et ainsi, le dessein initial inscrit dans notre nature apparaît obscurci. En effet, dans les cultures humaines, nous trouvons cet obscurcissement du dessein originel de Dieu.
Dans le même temps, toutefois, en observant les cultures, toute l’histoire culturelle de l’humanité, nous constatons également que l’homme n’a jamais pu totalement oublier ce dessein qui existe dans la profondeur de son être. Il a toujours su, en un certain sens, que les autres formes de relations entre l’homme et la femme ne correspondaient pas réellement au dessein originel de son être. Et ainsi, dans les cultures, en particulier dans les grandes cultures, nous constatons toujours qu’elles s’orientent vers cette réalité, la monogamie, l’homme et la femme ne faisant qu’une seule chair. Ainsi, c’est dans la fidélité que peut grandir une nouvelle génération, que peut se poursuivre une tradition culturelle, se renouvelant et réalisant, dans la continuité, un progrès authentique.
Le Seigneur, qui a parlé de cela dans la langue des prophètes d’Israël, en évoquant la permission de divorcer de la part de Moïse, a dit : « C’est en raison de votre dureté de cœur ». Après le péché, le cœur est devenu « dur », mais tel n’était pas le dessein du Créateur et les Prophètes ont insisté toujours plus clairement sur ce dessein originel. Pour renouveler l’homme, le Seigneur — en faisant allusion aux voix prophétiques qui ont toujours guidé Israël vers la clarté de la monogamie — a reconnu avec Ezéchiel que nous avons besoin — pour vivre cette vocation, d’un cœur nouveau; au lieu du cœur de pierre — comme dit Ezéchiel — nous avons besoin d’un cœur de chair, d’un cœur véritablement humain.
Et le Seigneur, dans le Baptême, à travers la foi, « greffe » en nous ce cœur nouveau. Il ne s’agit pas d’une greffe physique, mais nous pouvons peut-être nous servir précisément de cette comparaison : après la greffe, il est nécessaire que l’organisme reçoive des soins, qu’il bénéficie des médicaments nécessaires pour pouvoir vivre avec son nouveau cœur, afin que celui-ci devienne « son cœur », et non le « cœur d’un autre ». Dans cette « greffe spirituelle », où le Seigneur nous offre un cœur nouveau, un cœur ouvert au Créateur, à la vocation de Dieu, nous avons d’autant plus besoin de traitements adéquats, pour pouvoir vivre avec ce cœur nouveau ; il faut avoir recours à des médicaments adaptés afin qu’il devienne vraiment « notre cœur ». En vivant ainsi dans la communion avec le Christ, avec son Eglise, le nouveau cœur devient réellement « notre cœur » et le mariage devient possible. L’amour exclusif entre un homme et une femme, la vie à deux projetée par le Créateur devient possible, même si le climat de notre monde la rend difficile, jusqu’à la faire apparaître impossible.
Le Seigneur nous donne un cœur nouveau et nous devons vivre avec ce cœur nouveau, en utilisant les thérapies opportunes afin qu’il soit réellement « le nôtre ». C’est ainsi que nous vivons selon ce que le Créateur nous a donné et cela engendre une vie véritablement heureuse. En effet, nous pouvons le voir également dans ce monde, en dépit des nombreux autres modèles de vie : il existe tant de familles chrétiennes qui vivent avec fidélité et joie la vie et l’amour indiqués par le Créateur, et c’est ainsi que se développe une nouvelle humanité.
Et enfin, j’ajouterais : nous savons tous que pour atteindre un objectif en sport et au niveau professionnel, la discipline et les sacrifices sont nécessaires. Mais tout cela est ensuite couronné de succès, d’avoir atteint un objectif tant désiré. De la même façon, la vie elle-même, c’est-à-dire devenir hommes selon le dessein de Jésus, exige des sacrifices; toutefois, il ne s’agit pas d’une chose négative, au contraire, ils aident à vivre en tant qu’homme avec un cœur nouveau, à vivre une vie véritablement humaine et heureuse. Etant donné qu’il existe une culture de la consommation qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels on vit le dessein du Créateur.