Dans l’Eglise, toutes les vocations sont belles et en symphonie. Répondre à l’appel de Dieu, c’est correspondre à la grâce propre qui nous est donnée, jour après jour ; voilà le chemin de notre sainteté.
Le courage de la créativité
Lorsque nous nous représentons la grande galerie des saints, ou même la galerie des grands hommes avec une vie réussie, nous nous apercevons que les vocations sont variées. Tout le monde n’est pas une mère Teresa. Un grand savant, un grand érudit, un musicien ou un artisan tout discret, un ouvrier… peuvent aussi être des exemples d’une vie réussie, dans la mesure où ils vivent leur vie honnêtement et fidèlement et humblement. (…)
On peut trouver là une vie pleine, hier comme aujourd’hui ou demain. Toute vie a sa vocation propre. Elle a son propre code et son propre chemin. Aucune n’est simplement une imitation, choisie et exécutée parmi une multitude d’exemplaires qui se ressemblent. Chacun a besoin d’avoir le courage de la créativité pour vivre sa vie et ne pas devenir la copie de quelqu’un d’autre. Lorsque vous examinez la parabole du serviteur paresseux qui a enterré son talent pour que rien ne puisse lui arriver, vous comprenez ce que je veux dire. C’est un homme qui ne veut pas prendre le risque de vivre sa vie et de la développer selon son originalité. Il ne veut pas l’exposer aux dangers inévitables. C’est dans ce sens qu’il y a multiplicité de vocations. (…)
Il y a autant de chemins qui mènent à Dieu qu’il y a d’hommes. (…) Il y a autant de chemins vers une vie comblée qu’il y a d’hommes.
Se laisser toucher par quelqu’un de plus grand…
Les premiers disciples dont Jésus veut faire des « pêcheurs d’hommes » n’étaient pas des gens capables d’accomplir une mission mondiale. Comme dit saint Jean Chrysostome, « S’ils ont joué gros », c’est par une autre force. Voilà pourquoi le choix de ces gens simples, qui n’étaient ni des politiciens, ni des savants, me semble riche en enseignements. Il est évident qu’ils n’auraient pas fait tout ce qu’ils ont fait par eux-mêmes. Quelqu’un de plus grand les a touchés, les a portés et guidés.(…)
Ils ont mis toutes leurs forces au service d’une vocation. Il sont un exemple montrant que Dieu accomplit par les gens simples ce que lui seul peut accomplir, prouvant en même temps qu’ils peuvent avoir de grandes possibilités.
Accomplir un service pour l’homme en se donnant totalement…
La flexibilité est devenue aujourd’hui une notion importante. Nous voulons pouvoir réagir à de nouvelles exigences, et espérons grimper, par un changement professionnel fréquent, le plus rapidement possible dans la société. Mais je pense que des professions exigeant un total investissement de l’homme continuent à exister. Par exemple, médecin ou éducateur : ce ne sont pas des professions que j’exerce pendant quelques années, mais qui exigent que j’y consacre toute la vie. Aujourd’hui encore, il y a des tâches qui ne sont pas simplement des jobs, pour ainsi dire en marge de ma vie, pour m’assurer la subsistance. Pour les vraies professions, le critère n’est pas l’argent qu’elles rapportent, mais l’accomplissement d’un service pour l’homme. (…)
[Jésus] n’empêcherait personne de réagir à des exigences de flexibilité. Ses disciples devaient eux-mêmes être assez flexibles pour changer leur vie quotidienne de pêcheurs en une aventure à la suite de Jésus, sans savoir encore où cela les mènerait ; assez flexibles pour oser passer du judaïsme où ils étaient tous profondément enracinés à la mission auprès des païens.
Il leur fallait en même temps beaucoup d’endurance et de fidélité dans cette option fondamentale. Nous ne devrions pas opposer flexibilité et fidélité. Le changement de situation exige précisément de la fidélité.
Quelqu’un qui, de nos jours, persiste dans le sacerdoce ou le mariage traverse une histoire très changeante. Il lui faut mûrir par ces changements et porter à sa plénitude sa propre identité. Mais la situation moderne fait que malheureusement le changement et la flexibilité seuls gardent une valeur. Ce à quoi je m’oppose. Plus que jamais nous avons besoin aujourd’hui de la permanence dans une profession ou une mission. Plus que jamais nous avons besoin d’hommes capables de se donner totalement. Pensons à l’aide au développement. Il est utile qu’il y ait des gens qui donnent deux ou trois ans de leur vie ; mais il est nécessaire que bien plus se donnent entièrement à cette tâche. Il y a des vocations qui exigent l’homme tout entier.
De tels projets de vie ne sont pas des signes d’une absence de fantaisie ou d’un engourdissement. C’est précisément dans cette permanence que des hommes sont d’une telle intériorité, d’une telle maturité, d’une telle grandeur d’âme, que changement et continuité s’imbriquent : ce n’est qu’ensemble qu’ils sont vraiment importants.
… Et y trouver soi-même un accomplissement.
Finalement, l’homme n’est pas seulement là pour se construire lui-même, mais pour se laisser défier par la vie. Nous vivons tous une histoire commune, en relation les uns avec les autres. L’homme ne devrait pas simplement penser à ce qu’il voudrait, mais aussi se demander à quoi il pourrait participer. Il se rendrait alors compte qu’il s’accomplirait non dans ce qui est agréable et facile et dans la passivité, mais dans le fait de se laisser solliciter, ce qui est plus difficile. Tout le reste devient ennuyeux avec le temps… L’homme seul qui « s’expose au feu », qui reconnaît un appel au fond de soi, une vocation, une idée face à laquelle il doit être à la hauteur, qui accepte une charge pour l’ensemble, seul cet homme trouve un accomplissement. Ce n’est pas de prendre le chemin de la facilité qui nous enrichit, mais bien de se donner.
Extraits du livre Voici quel est notre Dieu de Benoît XVI, Plon-Mame 2000 – (pages 180-183 et 197)
Avec l’aimable autorisation des éditions Plon-Mame