Retraite de carême de Mgr Emmanuel Tois
Lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur des origines, il nous apprenait à écarter le ferment du mal.
Chers amis bonjour,
Essayons aujourd’hui encore de vivre dans l’élan de dimanche dernier et du récit des tentations du Christ au désert. Lundi, nous avons médité le début de la préface du premier dimanche de Carême dont voici la suite : Lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur des origines, il nous apprenait à écarter le ferment du mal.
Là où l’ancienne traduction du missel romain disait « lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur », la nouvelle traduction ajoute « des origines », « Tentateur des origines ».
Je vous invite, forts de cette précision, à retourner aux récits des origines, justement, dans le livre de la Genèse, les récits de la création, notamment le deuxième, et le récit de la chute de l’homme et de la femme, au chapitre 3. Ces récits aident à comprendre pourquoi Jésus dit du diable qu’il est « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44).
Ce n’est pas le lieu de faire l’exégèse de ce texte. Je vous invite à la faire vous-même en ouvrant vos Bibles. Vous y constaterez que la parole de Dieu qui était : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Gn 2, 16-17) devient, retranscrite par le diable : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? » Si vous continuez la lecture en comparant point par point la parole exacte de Dieu et ce que le diable, par souci de déstabilisation, en retranscrit, vous verrez que comme coupée, par pure déstabilisation, de la limpidité des conseils de Dieu, la femme est entraînée à envisager comme possible que Dieu ait menti. Le pari du diable est gagné, et l’être humain n’a plus dès lors qu’un pas à faire pour s’engager dans la vie sans Dieu : les dons de Dieu, sans lui, le donateur ; la vie reçue non de Dieu, mais de l’homme lui-même : « Vous serez comme des dieux » dit le diable (Gn 3, 5) ; l’intelligence, non plus reçue de celui qui la donne, mais tellement appropriée par l’homme qu’il fait fi des recommandations bienveillantes de celui de qui il la tient.
Dans l’expérience concrète de notre vie, nous pouvons tous, si nous en faisons l’effort, repérer les moments où nous mettons Dieu au second plan, où nous nous emparons des dons de Dieu en rejetant le donateur. « Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière », énonce avec profondeur et clarté le Concile Vatican II (Constitution pastorale Gaudium et spes, n° 13).
« Refuser de reconnaître Dieu comme son principe ». Elle est là la racine du péché. C’est à cela qu’il nous faut réfléchir en ce temps de retour au Seigneur, bien plus qu’à un catalogue de mauvaises actions qui ne s’intéresse le plus souvent qu’aux aspects moraux de nos vies.
« Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière ». Choisissons cet éclairage pour faire le point de nos vies, en nous souvenant que toute la vie du Christ, depuis Sa venue dans la condition humaine jusqu’à Sa Résurrection et Son Ascension, en passant par Sa Passion et par Sa Croix, a consisté à rétablir cet ordre qui, en nous, restaure la vie pour toujours.
« Que Dieu m’aide à réussir ». Oui, que combattant en nous, il nous conduise à la victoire contre notre propre péché. Nous le lui demandons en écoutant une dernière fois ce choral de Bach, successivement chanté et joué à l’orgue.
Que Dieu vous garde sur sa route.
Jean-Sébastien Bach, choral de Carême de l’Orgelbüchlein, BWV 624 : Hilf Gott, dass mir’s gelinge, partie chantée et partie pour orgue.